Marque patronymique, créateur célèbre, usage trompeur par le cessionnaire, risque de déchéance

La cession de MARQUE PATRONYMIQUE correspondant au nom du créateur est source d’un contentieux récurrent :
Lorsque des personnalités, créateurs/trices de design, mode ou accessoires ont déposé leur nom patronymique à titre de marque, il arrive qu’elles vendent leur société et l’exploitation de leur nom avec…
Généralement, le contentieux émerge lorsque la relation contractuelle entre l’entreprise cessionnaire et le créateur, temporairement directeur artistique, vient à prendre fin, de sorte que le.la créateur/créatrice- ne collabore plus avec cette entreprise.
L’entreprise cessionnaire, titulaire de la marque patronymique cédée, peut-elle l’exploiter sans restriction ?
Non, selon la Cour d’Appel de Paris dans une décision du 12 oct. 2022 : elle encourt la déchéance si l’exploitation est faite de manière trompeuse.
Jean-Charles de CASTELBAJAC reproche au cessionnaire de la marque éponyme d’apposer la marque sur des produits imitant son univers et ses dessins et dénonce un comportement fautif consistant à laisser le public croire qu’il serait l'auteur de ces créations qui ne sont en réalité pas de lui, et sur lesquelles la marque est apposée.
Pour sa part, la société cessionnaire reproche à M. de CASTELBAJAC d’utiliser le même signe -son nom- pour désigner des activités identiques ou similaires aux produits couverts par les marques dont elle est désormais titulaire. À noter que les contrats stipulaient expressément que le créateur conservait le droit d’apposer son nom sur toutes créations.
Le Cessionnaire assigne M. de CASTELBAJAC en contrefaçon. Reconventionnellement, le créateur demande la déchéance des marques composées de son nom pour déceptivité ou usage trompeur.
Selon la Cour d’Appel, la garantie d’éviction due par le cédant ne rend pas irrecevable la demande de déchéance.
Rappelant que la marque devant demeurer un instrument loyal d'information du consommateur sur les produits et services visés à son enregistrement, la Cour juge que l’usage trompeur des marques justifie la déchéance partielle, pour les produits en rapport avec les faits litigieux établis.
Cette décision se place dans le droit fil de la jurisprudence Ines de la FRESSANGE : la Cour d’appel de Paris avait prononcé la déchéance de la marque constituée du nom patronymique de la créatrice au motif de l’usage qu’en faisait le cessionnaire, propre à induire en erreur le consommateur sur la provenance ou la qualité des produits visés. Le maintien abusif du lien entre l’image de la personne physique et les produits, tendant à lui en attribuer la paternité était, selon la Cour, trompeur. Pourtant, la Cour de Cassation avait, au visa du droit général de la vente, cassé l’arrêt d’appel considérant que la garantie d’éviction rendait irrecevable la demande en déchéance : « Mme Y n’était pas recevable à une action tendant à l’éviction de l’acquéreur » (Cass. Com. 31 janvier 2006).
Dans l’affaire de CASTELBAJAC, la position de la Cour de cassation sera donc attendue avec intérêt.

Avocat spécialisé en droit de propriété intellectuelle et NTIC à Aix-en-Provence

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Emilie Collomp