Droit d’auteur : Les droits des salariés sur les créations au sein de l’entreprise

 

Un arrêt récent de la chambre sociale de la Cour de Cassation nous donne l’occasion de revenir sur l’attribution des droits d’auteur sur les créations au sein des entreprises.

Contrairement à une idée couramment admise, les salariés ne cèdent pas implicitement la propriété des droits qu’ils détiennent sur leurs créations à leur employeur du seul fait de leur engagement au titre d’un contrat de travail. Le code de la propriété intellectuelle en dispose justement autrement :
« L’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous (…) L’existence ou la conclusion d’un contrat de louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte pas dérogation à la jouissance du droit reconnu par le premier alinéa, sous réserve des exceptions prévues par le présent code »

En d’autres termes, si un salarié est l’auteur d’une œuvre originale, même créée dans le cadre de ses fonctions, il en est titulaire des droits d’exploitation à moins de les céder expressément à son employeur dans des conditions légalement définies. Par conséquent, à défaut de formaliser un acte de cession conforme à ces exigences, l’entreprise qui emploie le salarié auteur ne détient pas les droits patrimoniaux d’exploitation des œuvres ainsi créées.

Cependant, encore faut-il pour que le salarié se voie reconnaitre la qualité d’auteur, qu’il justifie d’une « liberté de création » et un « pouvoir de définir les choix esthétiques de l’entreprise » ainsi que vient de l’énoncer la Cour de cassation à l’issue d’un nouveau contentieux entre un salarié licencié et son ancien employeur, aux termes d’un arrêt du 22 septembre 2015 venu préciser la notion « d’œuvre collective ».
Cette catégorie d’œuvres permet à l’entreprise d’être propriétaire des droits d’exploitation « ab initio », sans cession préalable des contributeurs. Elle est ainsi définie dans le code de propriété intellectuelle :
« Est dite collective l’œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé. »
L’article L.113-5 ajoutant que « l’œuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée, cette personne étant investie des droits d’auteur ».

Dans un arrêt Van Cleef et Arpels (CA Paris 14 Sept. 2012 confirmé par la Cour de Cassation le 19 déc. 2013), la Cour avait souligné que le caractère collectif du travail de création associant l’intervention de plusieurs personnes dans le cadre de comités de création et l’absence de réelle autonomie créatrice du salarié en raison du contrôle du processus créatif par les sociétés ayant le pouvoir d’initiative et fournissant les instructions esthétiques afin d’harmoniser les différentes contributions lesquelles se fondaient dans un ensemble ne permettait pas d’établir qu’il jouissait d’une « liberté dans les choix esthétiques », terminologie non reprise par la Cour de Cassation dans son arrêt du 19 décembre 2013.

Cette fois, c’est dans le secteur de la cristallerie (Lalique), que le litige est intervenu encore entre une ancienne salariée -embauchée en qualité de styliste, puis chef de service de création, et enfin directrice artistique- et son employeur. La Cour suprême tire de l’analyse du processus de création des flacons, la conclusion que la société avait l’initiative des études esthétiques, que les produits devaient respecter l’image définie par la direction générale, que chaque marquette était soumise à l’approbation de la direction et que la conception des produits appelaient l’intervention de nombreux corps de métier. Elle en conclut que la salariée ne définissait pas les « choix esthétiques de l’entreprise » ni ne jouissait « de liberté de création », excluant la titularité des droits sur les œuvres réalisées par la salariée.

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Avocat spécialisé en droit de propriété intellectuelle et NTIC à Aix-en-Provence

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Emilie Collomp