La Cour de l'UE assure la protection par le Droit d'Auteur des œuvres externes d'art appliqué

La Cour de l'UE assure la protection par le Droit d'Auteur des œuvres externes d'art appliqué

La Convention de Berne régit, dans les situations internationales, les règles applicables aux œuvres littéraires et artistiques d’auteurs ressortissants de 181 États signataires.

Selon la Convention de Berne, les auteurs ressortissants des pays signataires jouissent, dans les autres pays signataires, en principe, des mêmes droits que les auteurs nationaux sous réserve de l’existence d’une condition de réciprocité : Précisément, s’agissant « des œuvres protégées uniquement comme dessins et modèles dans le pays d’origine, il ne peut être réclamé dans un autre pays de l’Union que la protection spéciale accordée dans ce pays aux dessins et modèles ; toutefois, si une telle protection spéciale n’est pas accordée dans ce pays, ces œuvres seront protégées comme œuvres artistiques » (article 2.7). 

Une chaise appelée « Dinning Sidechair Wood Base » de Charles et Ray Eames (deux ressortissants des USA) est au cœur d’un litige sur le territoire de l’Union européenne qui oppose aux Pays-Bas, une société Suisse titulaire des droits sur la chaise design des célèbres époux Eames, à la société Kwantum, commercialisant une chaise qui porterait atteinte aux droits que détient la société Suisse sur cette œuvre.

Dans le pays d’origine -aux USA donc-, un objet utilitaire ne peut généralement pas être protégé au titre du copyright.

Question : La clause de réciprocité peut-elle être opposée par la juridiction des Pays-Bas pour exclure le droit d’auteur de la protection de cet objet utilitaire au sein de l’Union ?

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a répondu par la négative, dans une décision[1] récente renforçant la protection des œuvres d’art appliqué originaires d’un État tiers, indépendamment de leur pays d’origine.

Selon cette décision, les dispositions de la convention de Berne, qui limitent la protection des œuvres d’arts appliqués sous réserve de l’existence d’une clause de réciprocité, ne peuvent être appliquées par les États membres de l’UE. La Cour européenne oppose à ces dispositions le droit de l’Union, notamment la Directive européenne 2001/29 visant « l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information », décidant que toutes les œuvres qui peuvent être qualifiées d’« œuvres » au sens de cette Directive doivent bénéficier d’une protection uniforme, sans discrimination selon leur origine, y compris si l’auteur est ressortissant d’un État tiers. Cette harmonisation vise à garantir la cohérence du droit d’auteur dans le marché intérieur.

Elle se fonde également sur la Charte des droits fondamentaux de l’UE qui protège les droits de propriété intellectuelle (art. 17). Seul le législateur de l’Union peut limiter ces droits issus de la Directive précitée.

Les États membres n’ont donc pas la liberté de restreindre la protection par le droit de l’UE au motif de la clause de réciprocité de la Convention de Berne.

En pratique, cette décision limite les divergences de traitement des œuvres originaires de pays tiers et assure aux créateurs une reconnaissance accrue de leurs droits dans l’Union Européenne. Un signal fort pour la créativité et le respect des œuvres d’art appliqué à l’échelle internationale.

[1] C-227/23 CJUE 24 octobre 2024 sur une question préjudicielle

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Avocat spécialisé en droit de propriété intellectuelle et NTIC à Aix-en-Provence

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Emilie Collomp