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Protégez vos droits sur les noms de domaine : enjeux et solutions juridiques

Protégez vos droits sur les noms de domaine : enjeux et solutions juridiques

Le nom de domaine, équivalent d’une enseigne d’internet, constitue un élément clé pour votre visibilité en ligne en offrant une véritable vitrine à votre entreprise sur Internet. Toutefois, il est souvent la cible d’usurpations et autres pratiques abusives telles que le cybersquatting, le typosquatting ou la création de faux sites marchands qui créent la confusion avec votre marque ou votre entreprise. Voici un panorama des risques et des solutions juridiques pour protéger vos droits.

1. Quelles atteintes sont constatées ?

  • Cybersquatting : enregistrement d'un nom de domaine correspondant à une marque dans le but de le revendre ou d'en tirer profit.
  • Typosquatting : création d'un nom de domaine avec une faute de frappe pour tromper et capter les utilisateurs.
  • Spoofing : Usurpation de nom de domaine pour exploiter des sites frauduleux.
  • Atteinte à un droit de la personnalité : usurpation d’identité empruntant le nom ou le pseudonyme d’une personne
  • Fake shops : usurpation de nom de marque et/ou nom de domaine pour créer des sites miroirs frauduleux, des copies à s’y méprendre de vrais sites. Ces sites pratiquent l’escroquerie aux dépens des internautes, mais ne livrent rien et porte atteinte à votre image.

2. Vos recours juridiques en cas d'usurpation de nom de domaine

En cas de mauvaise foi et d’absence d’intérêt légitime du déposant qui a usurpé votre dénomination, le nom de domaine enregistré en fraude de vos droits pourra être supprimé ou vous être attribué. Vous avez déposé plainte pénale, mais ne savez que faire de plus ?

Plusieurs options s’offrent à vous entre la voie judiciaire et extrajudiciaire, la stratégie étant à arbitrer par l’avocat en fonction des circonstances de votre cas d’espèce :

  • Action judiciaire : suppose de saisir le tribunal compétent. Seule voie pour obtenir des dommages et intérêts, ce chemin procédural ne sera pas le plus rapide pour obtenir le retrait ou le transfert du nom de domaine litigieux. Sauf possibilité (rare) d’une action en référé (procédure d’urgence), la durée varie entre 1 et 5 ans.
  • Procédures extrajudiciaires de règlement des litiges : ces procédures alternatives sont rapides et efficaces
    • SYRELI (Afnic): pour les noms de domaine en ".fr", décision en 2 mois,
    • PARL EXPERT (AFNIC-OMPI) : même procédure que la précédente, mais avec le recours à un expert indépendant du centre d’arbitrage de l’OMPI, décision en  2 mois
    • UDRP (ICANN-OMPI) : pour les extensions génériques comme .com. Procédure internationale rapide (décision en 2 mois),

Ces procédures permettent de demander la suppression ou le transfert du nom litigieux. Votre avocat vous conseillera dans le choix de la stratégie la plus adaptée à votre cas.

3. Bonnes pratiques pour protéger votre nom de domaine

  1. Choisissez un nom de domaine distinctif et disponible avec les conseils de votre avocat.
  2. Enregistrez-le en tant que marque pour obtenir un droit privatif. Cela vous permettra de sécuriser vos droits en vue d’engager des actions efficaces en contrefaçon ou concurrence déloyale.
Quelle régulation pour l'IA ? Focus sur l’IA ACT du 13 juin 2024

Quelle régulation pour l'IA ? Focus sur l’IA ACT du 13 juin 2024

Que retenir du Règlement IA n° 2024/1689 du 13/06/2024 « établissant des règles harmonisées concernant l’intelligence artificielle » ?

Pour la 1ʳᵉ fois dans le monde, un texte encadrant l’Intelligence Artificielle a été adopté le 13 juin 2024. Il s’agit d’une réglementation transversale de l’Union Européenne qui couvre presque tous les secteurs d’activité. Seuls les systèmes d’IA utilisés à des fins de défense ou militaires sont exclus du périmètre de ce Règlement.

Les objectifs exprès du législateur européen sont notamment les suivants :

  • fournir un cadre juridique harmonisé pour la mise en place et l’utilisation de systèmes d’IA
  • promouvoir l’adoption de l’intelligence artificielle axée sur l’humain et digne de confiance (éthique) tout en assurant un niveau élevé de protection de la santé, de la sécurité, des droits fondamentaux consacrés par la Charte y compris la démocratie.

L’entrée en vigueur est fixée le 1ᵉʳ aout 2024, mais l’entrée en application est prévue de manière progressive à compter du 2/02/2025 — d’abord pour les systèmes d'IA interdits — jusqu’au 2/08/2026.

Définition de l’IA : le Règlement adopte une définition unique de l’IA visant une grande diversité de systèmes :

« Un système automatisé qui est conçu pour fonctionner à différents niveaux d’autonomie et peut faire preuve d’une capacité d’adaptation après son déploiement, et qui (…) déduit, à partir des entrées qu’il reçoit, la manière de générer des sorties telles que des prédictions, du contenu, des recommandations ou des décisions qui peuvent influencer les environnements physiques ou virtuels ».

→ exemple de fonctions diverses : modèles de langage, reconnaissance faciale, véhicules autonomes, système expert en matière médicale...

Le Règlement adopte une approche par les risques : le règlement établit des règles en fonction du degré d’acceptation des risques engendrés par les systèmes d’IA, classés en 4 niveaux. 

 

→ Risques intolérables : interdiction expresse de systèmes d’IA ayant notamment pour effet de fausser le comportement par des pratiques trompeuses, d’exploiter des vulnérabilités, ou  d’évaluer ou classer les personnes en fonction de leur comportement social ou de leurs traits personnels, les systèmes qui prédisent le risque qu'une personne commette un crime ; il est interdit également de déduire des attributs sensibles par catégorisation biométrique, de procéder à la reconnaissance faciale par l'extraction d'images faciales sur l'internet ou d’images de vidéosurveillance, la déduction d’émotions sur le lieu de travail etc… Ces interdictions entrent en vigueur au 2 février 2025.

 

 

→ Hauts risques : exigences spécifiques et obligations renforcées des opérateurs de systèmes qui :

- soit répondent à deux conditions (être couvert par une législation de l’UE visée en Annexe I et être un produit ou intégré à un produit soumis à une vérification de  conformité)

- soit sont listés en Annexe III qui énumère des systèmes identifiés comme à haut risque ; cela concerne les systèmes d’identification biométriques, de reconnaissance des émotions, ceux utilisés dans l’éducation par exemple pour déterminer l’accès à des établissements d’enseignement, dans le recrutement et l’emploi, ou encore par les services répressifs, etc…

  Risques limités : règles harmonisées applicables à certains systèmes d’IA en matière de transparence, notamment s’il existe un risque de manipulation ;

→ Risque minimal : tous les systèmes d’IA qui ne relèvent pas des autres catégories listées ci-dessus.

En outre, les modèles d’IA à usage général (GPAI) qui concernent les IA capables d’exécuter de manière compétente un large éventail de tâches — notamment l’IA générative — susceptibles d’être intégrées dans une grande variété de systèmes, obéissent à un régime spécifique. Les fournisseurs de GPAI doivent répondre à des exigences d’information et de transparence et s’engager à respecter le droit d’auteur. Leurs obligations sont accrues lorsque les modèles de GPAI présentent un risque systémique. L’adhésion volontaire des fournisseurs à un code de bonne pratique vaut présomption de conformité.

Le règlement s’applique à toutes personnes publiques ou privées et impose des obligations de conformité aux acteurs des systèmes d’IA.

Quels sont les opérateurs économiques concernés ? Le règlement définit les responsabilités des différents acteurs soumis à des exigences réglementaires en fonction de l’étape de leur intervention : les acteurs ainsi définis sont : le fournisseur, le mandataire, l’importateur, le distributeur et le « déployeur » (il s’agit de l’utilisateur personne physique ou morale qui en fait un usage professionnel).

A quelles étapes ?

  • lors de la mise sur le marché du système
  • Lors de la mise en service du système
  • Lors de l’utilisation par les professionnels du système

À noter toutefois que les fournisseurs dont le système d'IA relève des cas identifiés à « haut risque » au titre de l’Annexe III peuvent s’extraire des exigences y afférentes s’ils démontrent l’absence de risque important pour la santé, la sécurité ou les droits fondamentaux des personnes physiques.

Le texte a une portée extraterritoriale : concerne les systèmes d’IA mis sur le marché ou utilisés au sein de l’UE y compris par des acteurs d’origine externe.

Empilement législatif : les acteurs devront articuler le règlement IA avec les règles issues du RGPD/ avec le DMA (Digital Market Act) et le DSA (Digital Services Act) qui demeurent applicables et répondent à des objectifs distincts. Ce sont les règles issues du DMA qui ont conduit Apple à retarder le lancement de son système d’IA générative au regard des règles du droit de la concurrence.

Autorités de contrôle : Le bureau de l’IA (Office AI), créé au sein de la Commission, sera chargé de contrôler la conformité et chaque État Membre doit désigner, dans le délai d’un an, un office national de gouvernance. En France, c’est naturellement la CNIL qui est pressentie pour être l’autorité nationale de contrôle.

 

 

La Cour de l'UE assure la protection par le Droit d'Auteur des œuvres externes d'art appliqué

La Cour de l'UE assure la protection par le Droit d'Auteur des œuvres externes d'art appliqué

La Convention de Berne régit, dans les situations internationales, les règles applicables aux œuvres littéraires et artistiques d’auteurs ressortissants de 181 États signataires.

Selon la Convention de Berne, les auteurs ressortissants des pays signataires jouissent, dans les autres pays signataires, en principe, des mêmes droits que les auteurs nationaux sous réserve de l’existence d’une condition de réciprocité : Précisément, s’agissant « des œuvres protégées uniquement comme dessins et modèles dans le pays d’origine, il ne peut être réclamé dans un autre pays de l’Union que la protection spéciale accordée dans ce pays aux dessins et modèles ; toutefois, si une telle protection spéciale n’est pas accordée dans ce pays, ces œuvres seront protégées comme œuvres artistiques » (article 2.7). 

Une chaise appelée « Dinning Sidechair Wood Base » de Charles et Ray Eames (deux ressortissants des USA) est au cœur d’un litige sur le territoire de l’Union européenne qui oppose aux Pays-Bas, une société Suisse titulaire des droits sur la chaise design des célèbres époux Eames, à la société Kwantum, commercialisant une chaise qui porterait atteinte aux droits que détient la société Suisse sur cette œuvre.

Dans le pays d’origine -aux USA donc-, un objet utilitaire ne peut généralement pas être protégé au titre du copyright.

Question : La clause de réciprocité peut-elle être opposée par la juridiction des Pays-Bas pour exclure le droit d’auteur de la protection de cet objet utilitaire au sein de l’Union ?

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a répondu par la négative, dans une décision[1] récente renforçant la protection des œuvres d’art appliqué originaires d’un État tiers, indépendamment de leur pays d’origine.

Selon cette décision, les dispositions de la convention de Berne, qui limitent la protection des œuvres d’arts appliqués sous réserve de l’existence d’une clause de réciprocité, ne peuvent être appliquées par les États membres de l’UE. La Cour européenne oppose à ces dispositions le droit de l’Union, notamment la Directive européenne 2001/29 visant « l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information », décidant que toutes les œuvres qui peuvent être qualifiées d’« œuvres » au sens de cette Directive doivent bénéficier d’une protection uniforme, sans discrimination selon leur origine, y compris si l’auteur est ressortissant d’un État tiers. Cette harmonisation vise à garantir la cohérence du droit d’auteur dans le marché intérieur.

Elle se fonde également sur la Charte des droits fondamentaux de l’UE qui protège les droits de propriété intellectuelle (art. 17). Seul le législateur de l’Union peut limiter ces droits issus de la Directive précitée.

Les États membres n’ont donc pas la liberté de restreindre la protection par le droit de l’UE au motif de la clause de réciprocité de la Convention de Berne.

En pratique, cette décision limite les divergences de traitement des œuvres originaires de pays tiers et assure aux créateurs une reconnaissance accrue de leurs droits dans l’Union Européenne. Un signal fort pour la créativité et le respect des œuvres d’art appliqué à l’échelle internationale.

[1] C-227/23 CJUE 24 octobre 2024 sur une question préjudicielle

Dommages intérêts « automatiques » pour manquement de l’employeur à certaines règles de durée du travail

Dommages intérêts « automatiques » pour manquement de l’employeur à certaines règles de durée du travail

 

En principe, un salarié qui allègue un préjudice à raison du manquement de l’employeur à ses obligations doit prouver l’existence de ce préjudice afin d’obtenir des dommages et intérêts.

Cependant, la liste des exceptions à ce principe s’accroit :


1.- On savait déjà, depuis 2022, que le dépassement des durées maximales de travail ouvrait droit à dommages et intérêts sans que le salarié ait à démontrer un préjudice, la Cour de cassation estimant que ce manquement « cause nécessairement un préjudice » en cas de :

  • dépassement de la durée hebdomadaire maximale de travail  (cass. soc. 26 janvier 2022 ; cass. soc. 14 décembre 2022).
  • dépassement de la durée quotidienne maximale de travail (cass. soc. 11 mai 2023)
  • dépassement de la durée hebdomadaire maximale du travail de nuit (cass. soc. 27 septembre 2023)

2.- Au cours de l’année 2024, la Cour de Cassation a, par deux décisions, complété sa jurisprudence statuant sur le non-respect d’autres dispositions relatives à la durée du travail.

Il découle désormais nécessairement un préjudice des manquements suivants :

  • non-respect du repos quotidien (cass. soc. 7 février 2024)
  • non-respect du temps de pause quotidien (cass. soc. 4 septembre 2024)

La réglementation relative à la durée maximale de travail et au repos minimum participent à l’objectif de garantie de la sécurité et la santé des travailleurs énoncée tant par les textes nationaux que par les textes européens.

3.- A noter que par trois décisions du 4 septembre 2024, la Cour de cassation a reconnu l’existence d’un préjudice nécessaire (et donc des dommages et intérêts automatiques) dans 3 affaires :

Outre celle relative au non-respect du temps de pause quotidien (affaire n° 23-15944) elle a également jugé que causait nécessairement un préjudice :

  • le manquement à l’obligation de suspendre toute prestation de travail pendant le congé de maternité  (n° 22-16129)
  • le même manquement pendant un arrêt maladie (n° 23-15944). 

Si l'employeur sollicite l'exécution de tâches durant ces arrêts maternité ou maladie, cela cause nécessairement un préjudice indemnisable au salarié.

 

Crédit image : moi-même, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Recevabilité de la production d’un moyen de preuve illicite du vol d’un salarié

Recevabilité de la production d’un moyen de preuve illicite du vol d’un salarié

La Cour de Cassation admet la recevabilité d'une vidéosurveillance installée dans des conditions illicites en mettant en balance le droit à un procès équitable (article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme) et le droit à la preuve (article 9 du code de procédure civile).

L’installation d’un système de vidéo surveillance est soumise à l’information et la consultation du CSE et à l’information des salariés (Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance).

Pour autant, la Cour de cassation rappelle, dans un arrêt publié au bulletin, que dans un procès civil, l'illicéité dans l'obtention ou la production d'un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l'écarter des débats.

Le juge doit, lorsque cela lui est demandé, apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence.

Le droit à la preuve peut justifier la  production d'éléments portant atteinte à d'autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. La Cour de cassation avait déjà décidé en ce sens par un arrêt du 8 mars 2023 (n°21-17802).

En l’espèce, elle constate que :

  • il existait des raisons concrètes liées à la disparition de stocks, justifiant le recours à la surveillance de la salariée et que cette surveillance ; ce contrôle était donc légitime ;
  • cette surveillance ne pouvait être réalisée par d'autres moyens,
  • elle avait été limitée dans le temps et réalisée par la seule dirigeante de l'entreprise,

Pour en déduire que la production des données personnelles issues du système de vidéosurveillance était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur et proportionnée au but poursuivi, de sorte que les pièces litigieuses étaient recevables.

Cass. soc. 14 février 2024 n°22-23073.

 

Appellations protégées et développement durable

Appellations protégées et développement durable

Dans notre analyse des interactions entre droit de la propriété intellectuelle et développement durable, nous avions montré que les appellations protégées — autrement appelées Signes d’Identification de la Qualité et de l’Origine (S.I.Q.O.) —  sont des droits de propriété intellectuelle qui favorisent la durabilité en ce qu’ils protègent des savoir-faire en lien avec un terroir géographique doté de spécificités. (CF cliquer ici pour davantage de renseignements).
Les initiatives récentes de certaines appellations d’origine permettent de constater qu’elles peuvent mêmes se révéler un moteur important de transformation vers des pratiques durables.
Ainsi, tandis que l’Appellation d’Origine Contrôlée « Ventoux » (AOC Ventoux) a adopté la raison d’être « Partager, Protéger, Cultiver le Vivant » avec l’ambition exprimée de « devenir un exemple de développement harmonieux et durable en protégeant le vivant et sa culture », la dénomination AOC « Côtes de Provence » s’est doté de règles interdisant le désherbage chimique total des parcelles et des tournières dans son Cahier des Charges.
L’impact positif de ces changements de pratiques est conséquent puisqu’ils concernent automatiquement tous les acteurs de la filière bénéficiant de l’Appellation, généralisant des pratiques agroécologiques.
Certains organismes de gestion des appellations protégées (ODG), conscients des enjeux bioclimatiques et des attentes sociales soulèvent ainsi des leviers qui ont intéressé l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO). Ce dernier institut, chargé de la coordination de la politique française en matière de S.I.Q.O. a organisé des rencontres régionales partout en France en 2023 avec les organismes de défense et de gestion des appellations afin de développer des synergies entre filières et s’inspirer mutuellement de démarches entreprises pour répondre aux nouvelles attentes sociétales des consommateurs.

Propos de Emilie Collomp, recueillis par la Rédaction du Village de la Justice

Propos de Emilie Collomp, recueillis par la Rédaction du Village de la Justice

"Il y a un fort besoin d’innovations pour parvenir à réduire nos consommations et à l’efficacité énergétique, d’innovations dont la finalité est de répondre aux défis écologiques et le droit est un outil de valorisation de ces innovations."
Voici résumé en quelques mots le lien que fait Emilie Collomp, avocate, entre Innovation, développement durable et Droit.
Elle développe cette pensée dans un essai au sujet duquel le Village de la Justice s’est entretenu avec elle.

Voir l'interview

 

 

Marque patronymique, créateur célèbre, usage trompeur par le cessionnaire, risque de déchéance

Marque patronymique, créateur célèbre, usage trompeur par le cessionnaire, risque de déchéance

La cession de MARQUE PATRONYMIQUE correspondant au nom du créateur est source d’un contentieux récurrent :
Lorsque des personnalités, créateurs/trices de design, mode ou accessoires ont déposé leur nom patronymique à titre de marque, il arrive qu’elles vendent leur société et l’exploitation de leur nom avec…
Généralement, le contentieux émerge lorsque la relation contractuelle entre l’entreprise cessionnaire et le créateur, temporairement directeur artistique, vient à prendre fin, de sorte que le.la créateur/créatrice- ne collabore plus avec cette entreprise.
L’entreprise cessionnaire, titulaire de la marque patronymique cédée, peut-elle l’exploiter sans restriction ?
Non, selon la Cour d’Appel de Paris dans une décision du 12 oct. 2022 : elle encourt la déchéance si l’exploitation est faite de manière trompeuse.
Jean-Charles de CASTELBAJAC reproche au cessionnaire de la marque éponyme d’apposer la marque sur des produits imitant son univers et ses dessins et dénonce un comportement fautif consistant à laisser le public croire qu’il serait l'auteur de ces créations qui ne sont en réalité pas de lui, et sur lesquelles la marque est apposée.
Pour sa part, la société cessionnaire reproche à M. de CASTELBAJAC d’utiliser le même signe -son nom- pour désigner des activités identiques ou similaires aux produits couverts par les marques dont elle est désormais titulaire. À noter que les contrats stipulaient expressément que le créateur conservait le droit d’apposer son nom sur toutes créations.
Le Cessionnaire assigne M. de CASTELBAJAC en contrefaçon. Reconventionnellement, le créateur demande la déchéance des marques composées de son nom pour déceptivité ou usage trompeur.
Selon la Cour d’Appel, la garantie d’éviction due par le cédant ne rend pas irrecevable la demande de déchéance.
Rappelant que la marque devant demeurer un instrument loyal d'information du consommateur sur les produits et services visés à son enregistrement, la Cour juge que l’usage trompeur des marques justifie la déchéance partielle, pour les produits en rapport avec les faits litigieux établis.
Cette décision se place dans le droit fil de la jurisprudence Ines de la FRESSANGE : la Cour d’appel de Paris avait prononcé la déchéance de la marque constituée du nom patronymique de la créatrice au motif de l’usage qu’en faisait le cessionnaire, propre à induire en erreur le consommateur sur la provenance ou la qualité des produits visés. Le maintien abusif du lien entre l’image de la personne physique et les produits, tendant à lui en attribuer la paternité était, selon la Cour, trompeur. Pourtant, la Cour de Cassation avait, au visa du droit général de la vente, cassé l’arrêt d’appel considérant que la garantie d’éviction rendait irrecevable la demande en déchéance : « Mme Y n’était pas recevable à une action tendant à l’éviction de l’acquéreur » (Cass. Com. 31 janvier 2006).
Dans l’affaire de CASTELBAJAC, la position de la Cour de cassation sera donc attendue avec intérêt.

Actualité de la RSE : reporting de durabilité selon la DIR CSRD

Actualité de la RSE : reporting de durabilité selon la DIR CSRD

Dans le cadre de l’ouvrage paru en 2022,  "Innovation et Développement durable (la Place du droit en faveur de l’innovation durable)", nous vous présentions les mesures contraignantes et incitatives (volontaires) participant du cadre normatif en faveur de la durabilité.

Parmi ces dispositifs législatifs ou réglementaires, figure la RSE -Responsabilité sociétale des Entreprises- un corpus de normes obligeant les entreprises à déclarer les mesures qu’elles prennent en faveur de l’environnement ou des intérêts sociaux. A ce titre, nous vous avions présenté les contours de l’obligation de déclaration de performance extra-financière (DPEF) issue d’une ordonnance de 2017 qui ne s’appliquait qu’aux grandes entreprises.

Quelles évolutions en 2023 ?

C’est l’Union européenne qui est moteur des plus remarquables avancées en faveur de la transition vers une économie durable depuis l’adoption de son « Pacte Vert » pour le climat en 2020. Divers textes adoptés ou en cours de discussion renforcent les obligations de la RSE.

Parmi ceux-ci, la Directive dite CSRD « Corporate Sustainabilité Reporting Directive » N° 2022/2464 du 21 juin 2022 qui entrera en vigueur en janvier 2024. Elle élargit le champ des entreprises soumises au reporting de « durabilité » - (anciennement reporting « extra-financier »)- puisque sont concernées toutes les entreprises ayant plus de 250 salariés[1].

L’objectif est d’améliorer la précision et fiabilité des informations déclarées en créant des critères de performance extra-financière harmonisés et standardisés[2] selon un principe à double sens : afin de mesurer l’impact de l’entreprise sur la société et inversement l’impact des critères ESG sur l’entreprise elle-même.

Ces normes, définies dans le cadre d’actes délégués qui seront progressivement adoptés en 2023 et 2024, seront soit des normes « universelles », applicables à l’ensemble des sociétés quel que soit leur secteur d’activité, soit « sectorielles » soit encore « spécifiques » pour les PME cotées.

Sachant qu’en droit français toutes les sociétés doivent désormais être gérées en « prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de [leur] activité [3]», obligation dépourvue de sanction légale, la question est posée de savoir quels risques juridiques pourraient découler de déclarations inexactes ou de pratiques non-conformes à ces enjeux et révélées par ce reporting ESG, en termes de responsabilité pour l’entreprise.

D’un concept avant tout éthique, la RSE pourrait, avec ces nouvelles obligations, devenir une source du droit de la responsabilité des entreprises.

A ce titre, signalons la proposition de Directive CSDD qui, à ce stade, instaure l’obligation d’établir un plan visant à établir que la stratégie de l’entreprise est compatible avec la transition vers une économie durable et la limitation à +1,5° de réchauffement climatique.

Nul doute que ces dispositions feront couler beaucoup d’encre…

 

[1] Si elles dépassent 40 M€ de chiffre d’affaires ou 20 M€ de total de bilan

[2] normes « ESRS » (European Sustainability Reporting Standards)

[3][3] Article 1833 du code civil

Avocat spécialisé en droit de propriété intellectuelle et NTIC à Aix-en-Provence

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Emilie Collomp